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bande dessinée indépendante - Page 3

  • Les centrales nucléaires ne font pas le printemps...

    un printemps à tchernobyl, emmanuel lepageEmmanuel Lepage fait partie d'un collectif d'auteurs dessinateurs engagés : les Dessin'acteurs. Ici les illustrateurs BD sont "acteurs" de leurs convictions et dessinent conte le nucléaire, les OGM et tutti quanti. Un Printemps à Techernobyl de Lepage pourrait ressembler à un livre d'art par son format mais pas par ses couleurs qui suintent tous les pastels de gris de la région de l'ancienne centrale nucléaire depuis la catastrophe qu'on connait.

    Dans un village de fiers bretons, on continue de résister à l'envahisseur et on décide de monter une espèce de résidence d'artistes en plein dans la zone contaminée de Tchernobyl. Le but de Lepage et de ses acolytes est de décrire la vie de ceux qui continuent de vivre dans cette zone de la mort par choix, parce qu'ils n'ont pas voulu quitter leur terre, parce que le gouvernement de l'ex-URSS ne leur a pas vraiment offert d'autre alternative... Le bilan sociale, humain, psychologique et ne parlons même pas de la grosse note salée écologique est très, très lourd comme on le sait. Lepage et les autres Dessin'acteurs vont passer plusieurs semaines dans les décombres de la catastrophe à la rencontre de ceux qui la vivent au quotidien et c'est bouleversant. Je n'ai qu'un regret concernant cet album... et il me parait gros et lourd de sens pour des dessinateurs venus du pays europpéen le plus fourni en centrales nucléaires... Les motivations de cet album paraissent ambigues. Il y a la volonté de condamner les autorités qui laissent quasiment à l'abandon la zone de Tchernobyl et ceux qui ont choisi d'y rester, oui c'est un fait. Mais, Lepage et ses amis donnent l'impression de se faire un peu mousser en affrontant la zone de la mort armés de leurs compteurs Gieger alors que ceux qu'ils dessinent ne voient même pas forcément ce que c'est... Ils ont plus l'air de "se toucher la nouille" comme on dit qu'autre chose. Ce n'est que mon avis mais ils ont au moins eu le mérite de faire un album sur les oubliés de Tchernobyl.

     

  • Dora

    dora, minaverry, l'agrumeCa c'est un bel exemple de ce qu'on fait de bien graphiquement et scénaristiquement parlant en BD indé (-pendante ou alternative, comme vous préférez). Avec des traits pleins et ronds un peu comme Marjane Satrapi (Persepolis, Poulet aux prunes, Broderies...) et moins crayonnés que Nancy Pena (Le Chat du kimono tuerie 2011, Les Nouvelles aventures du chat potté), Minaverry l'Argentin, inconnu en France, raconte l'histoire en noir et blanc de Dora. Dora, juive marocaine de 16 dans le Berlin de la fin des années 60, a été transbahutée au gré de l'Histoire entre Paris, Amsterdam, Fez et Berlin. A Amsterdam son père a été déporté vers Aushwitz où il y est décédé, à Féz elle a grandi, à Paris habite sa mère. Et à Berlin elle travaille dans les archives récupérées aux nazis après la fin de la guerre.

    Dora n'oublie pas les camps, n'oublie pas son père et n'oubliedora, minaverry, l'agrume Josef Mengele le médecin d'Auchwitz disparu depuis la chute de Berlin. Tous les jours elle photographie les archives concernant les nazis qu'on a pas encore retrouvés avant  Nuremberg, surtout celles qui traitent de Mengele. Elle se fait sa petite collecte d'archives persos, comme un écureuil sa provision de noisettes, jusqu'à ce qu'elle revienne vivre avec sa mère à Paris. A Paris, son histoire et son intrépidité vont lui faire rencontrer de jeunes militants communistes et elle croisera sur sa route les porteurs de valises du FLN. Ce sont ses archives et son amie d'enfance Judith, partie en Argentine avec sa famille qui vont lui ouvrir les portes de l'espionnage et des réseaux d'exflitrations des anciens nazis, réseaux favorisés par les péronistes en place pendant la seconde guerre mondiale. Parce qu'il semblerait bien que Mengele a été reperé en Argentine. La clef de sa mission là-bas réside dans un mystérieux personnage qu'on imagine bien travailler pour le Mossad même si ce n'est jamais dit.

    dora, minaverry, l'agrumeDora , c'est tellement de la BD indépendante que c'est seulement quand on a fini l'album qu'on sait que ce n'est pas un one-shot ! Il y a un deuxième tome mais pas de tomaison sur le premier, pas de titre de série et pas titre pour le premier tome. AAAAAAh je suis restée sur ma faim, car Dora m'a complètement scotchée par le dessin et par le fond, parce qu'en plus d'être une histoire avec un petit H en marge de celle avec un grand H, Dora c'est aussi le parcours initiatique d'une jeune fille qui découvre le sexe, les clopes, les causes militantes, la responsabilité de ses actes, la conscience...

     Si vous aimez Dora , alors vous aimerez le premier tome (seul paru pour le moment) d'Ernesto par Gabriel Ippoliti, sur la jeunesse romancée mais peut être pas si fictive que ça du Che.

  • Quand la liberté d'expression a le cafard

    une métamorphose iranienne, mana neyestaniComment un tout petit dessin, un cafard, dans un journal pour enfants, entrâine l'emprisonnement et l'exil forcé de son illustrateur ? Imaginez, vous vous appellez Mana Neyestani, vous êtes iranien et ce petit dessin crayonné sans mauvaise intention va bouleverser votre vie et celles de milliers d'autres personnes.

    Mana Neyestani dessine depuis l'âge de 16 ans dans des journeaux réformistes iraniens et le changement de gouvernement le force dans les années 2000 à travailler exclusivement sur des illustrations de presse pour la jeunesse. Un jour où la chaleur écrase Téhéran, Mana Neyestani dessine la rencontre de son personnage avec un cafard. A cause d'un mot azeri (Note de la Bloggeuse : les azeris sont l'ethnie d'origine turque de l'Iran) prononcé par le petit cafard, l'Iran s'enflamme. Le petit mot prononcé sans une métamorphose iranienne, mana neyestanimauvaise intention entrâine des manifestations dans les universités qui descendent rapidement dans les rues et se transforment en affrontements sanglants entre la communauté azeri choquée qu'on la compare à des cafards, et les forces armées iranniennes.

    Mettant en danger la sécurité intérieure du pays Mana Neyestanii et le rédacteur du journal sont arrêtés et incarcérés en détention provisoire pour calmer les esprits échauffés. Pendant qu'ils subissent interrogatoires sur interrogatoires, le malheureux cafard continue à faire couler le sang, c'est maintenant l'Azerbaidjan qui s'enflamme. La détention des deux malheureux durent 51 jours pendant lesquels ils connaissent l'enfer des prisons iraniennes peuplées de junkies qui ne supportent pas le sevrage du crack et de bon nombres d'autres malheureux. Les services secrets iraniens les interrogent, les accusent d'avoir reçu de l'argent pour semer le trouble et les somment de livrer des informations sur les journalistes et illustrateurs de presse dissidents au régime. L'enfer, le cauchemar, l'isolement, l'angoisse, la culpabilité sont leur quotidien. Au terme de 51 jours de détention, Mana et son rédacteur sont  relâchés pour quelques jours dans l'attente de leur procès.

    une métamorphose iranienne, mana neyestaniAu terme duquel il savent qu'ils ne vivront plus jamais vraiment libres quelqu'en soit l'issue. On les forcera à trahir leurs amis pour échapper à la prison, et la prison ils ne veulent pas y retourner, surtout pas au prix de la trahison. Accompagné de sa femme, Mana Neyestani fuit vers Dubai sous prétexte de passer quelques jours au calme avant le procès et le retour à la prison d'Evin. Les quelques mois que leurs visas leur permet de rester à Dubai ils les passeront à chercher le moyen de fuir le Moyen-Orient avec le statut de réfugiés politiques. Entre faux espoirs et désillusions sur l'humanisme de certains pays (et oui la France n'est pas celle de Jean-Jacques Rousseaux...) le quotidien de Mana Neyestani et de sa femme n'est pas vraiment très rose, les lendemains ne chantent pas très fort... De Dubaï ils passent ensuite en Turquie puis en Malaisie, où en désespoir de cause ils font appel à un passeur, bien mauvais puisqu'ils ne passeront jamais au Canada... Grâce à un visa étudiant Mana Neyestani et sa femme restent ensuite quelques années en Malaisie. Leur exil forcé a maintenant trouvé refuge en France puisque Mana Neyestani est aujourd'hui en résidence d'artiste à la Cité des Arts de Paris avec le soutien de l'UNICORN qui vient en aide aux artistes réfugiés politique.

    Voilà comment un petit dessin bouleverse la vie de milliers de personnes, voilà comment tourne le monde maintenant, voilà comment la liberté d'expression a des frontières aussi étriquées que le plus petit des pays...

    Le témoignage de Mana Neyestani dans Une métamorphose iranienne aux éditions Ca et là est un énorme coup de coeur BD. Dès que l'on parle d'atteinte à la liberté d'expression notre morale bien pensante de petits européens relativement libres de dire ce qu'ils veulent, nous force toujours a nous offusquer, oui il faut dire la vérité. Mais là c'est autant sur le fond que sur la formeque je conseille Une métamorphose iranienne.

    On retrouve dans Une métamorphose iranienne une note de poésie dans ce monde de brutes, propre aux intellectuels perses et rien que pour son trait de crayon cette BD est magnifique.